HUMEUR
L’Utopie
J’imagine que le premier objectif que l’homme a dû se fixer dès qu’il a pu faire preuve d’intelligence fut d’assurer sa survie dans un univers incertain, sur une planète qu’il devait ménager.
Et de croire qu’on pourrait partir de cette évidence pour raisonner autrement et affirmer que le premier des impératifs devrait être de garantir les biens élémentaires, manger, se vêtir, se loger, se protéger soi-même et les autres.
C’est la logique que je retrouve dans la hiérarchie des besoins étudiée par Maslow. Construire un système qui couvre ces objectifs élémentaires, à savoir les deux niveaux de base ( les besoins physiologiques et de sécurité), devrait être le rôle du régalien. Tant qu'il y aura un SDF qui dort sur la rue, l’état n'aura pas accompli sa mission. Cela suppose l’hébergement de toute personne dans un logement décent, fut-il rudimentaire, avoir une politique pour le construire, assurer la tutelle des SDF. C’est aussi attribuer une allocation minimum du type Allocation Universelle à chaque citoyen de la naissance à la mort, organiser un système de santé comme le NHS qui remplacerait les réseaux hybrides que nous connaissons. Si le système britannique a des failles, son concept reste pertinent. Pourquoi aujourd'hui cette mission est-elle fondue dans un brouillard incompréhensible.
Pour appuyer cette réflexion, je fais observer qu’un embryon de lucidité se dégage lorsque surgit un cataclysme de type Covid : la recherche de moyens de protection qui se mobilise au-delà de tout attente, l’autorité qui veille à la survie des gens lésés en accordant prêts, droit passerelle, budget impressionnant de l’UE de 750 Mia€. Cependant le contexte d’affolement ne permet pas de reconsidérer les fondamentaux, mais seulement de sauver les meubles et il faut craindre qu’après la société sortie du tunnel, les bons principes soient oubliés.
Au contraire, si on prenait le soin de reconstruire sereinement avec d’autres paramètres, cela supposerait de protéger les hommes et la nature, respecter la planète, gérer la natalité, remplacer les structures souvent absurdes par d’autres modèles.
PIB et Economie
Changer de cap ne s’accommoderait pas de la notion du PIB que nous connaissons car pour dessiner un modèle aussi novateur, le politique devrait d'abord fixer des structures tant sociales que climatique aptes à remplacer ce PIB inconséquent dont la pertinence vacille avec le séisme provoqué par la crise sanitaire.Aujourd'hui, par quelle astuce va-t-on se sortir des dettes colossales que va engendrer le Covid. François Lenglet expliquait que lors des précédentes crises, un effet rebond avait provoqué l’inflation et ainsi la dépréciation de la dette. Ce serait avec des astuces aussi fragiles que l’on devrait gérer les soubresauts sociaux mondialisés. Et pour Bruno Colmant : "Sans l’État, l’économie se serait effondrée".
Alors que la cacophonie des experts a été démontrée pour la gestion des règles sanitaires, la prévision économique est de même nature et la prophétie ne fait plus recette. Au-delà de ce symbole que représente le PIB, on voit chanceler les fétiches apparentés comme la monnaie et les automatismes mythiques, tel celui de l’offre et la demande.
Flux de monnaie
L’outil majeur de l’économie est la monnaie.
La création monétaire a aidé à fluidifier les échanges et remplacer le troc mais cet instrument a pris un autre caractère et d’un instrument de facilité, le financier en a fait une bombe sociale, dénoncée par Marx.
Il serait permis d’espérer qu’au delà de la fonction d’intermédiaire des échanges, la distribution de monnaie puisse satisfaire certaines finalités. Celle de récompenser le mérite, mais surtout, grâce à une distribution sociale, que tout homme dispose de quoi vivre, ce qui implique une éthique qui n’autorise pas les salaires faramineux du footballer ou de certains PDG. Cela veut dire asservir la monnaie par d’autres commandes que l’offre et la demande.
La stratégie est complexe et mérite une longue attention. Les moyens à disposition sont explosifs et disparates à travers le rôle des banques centrales, de la maîtrise de l’inflation, de la monnaie fondante, des monnaies locales, du système de taxation des revenus.
L’Offre et la Demande
Oser mettre en cause le rôle de l’offre et la demande !. Mais c’est déjà fait en relisant Sapir.
« De prétendues "évidencesʺ économiques, utilisées comme argument d’autorité, polluent le débat politique. Elles aboutissent à rejeter certains thèmes hors du champ de la discussion : le protectionnisme, le rôle positif des entreprises publiques ou l’intervention de l’Etat, etc. Enfin elles prétendent s’imposer au-delà des clivages politiques, au nom de leur caractère « objectif ».
Si ces ʺévidencesʺ économiques reposaient sur une base scientifique, les contester serait impossible. L’idée ne viendrait à personne de mettre aux voix les lois de la nature. Mais si ces bases se révèlent douteuses, alors le statut qu’elles ont acquis dans le débat relève non seulement de la fraude, mais aussi de l’usurpation antidémocratique : elles sont en effet établies par une minorité (les « experts »), par ailleurs politiquement irresponsable. Si elle prétend à la scientificité, l’étude de l’économie doit être soumise à des règles de vérification et structurée par des pratiques d’argumentation. Or la pensée économique néolibérale s’est affranchie de ces contraintes. La principale pseudo-évidence qu’elle met en avant est le rôle fondateur de la concurrence, ce qui lui permet de justifier le primat du libre-échange en macroéconomie, et celui de la flexibilité en microéconomie. »
Et d’autre part, ce processus incontrôlé est source considérable de gaspillage : observons l’initiateur de l’offre qui veut conquérir le marché et produit ce qui, selon lui, sera demandé mais bien souvent ne le sera pas et est voué à la destruction.
Sans remettre en cause la théorie selon laquelle l’offre et la demande règlent l’économie, le gouvernant doit cependant prévoir des balises destinées à corriger les effets négatifs engendrés par ce processus en protégeant des conséquences sociales et écologiques d’un système débridé. L’état régalien doit d’abord veiller à garantir les besoins essentiels des citoyens plutôt que d’imaginer des montages fantaisistes basé sur le travail à tout prix base du PIB, via les flux monétaires. Ces besoins essentiels, je les trouve dans les premiers étages de la classification de Maslow.
Ecologie
L’autre grand défi est de préserver la planète et d’inclure cet objectif dans un paramètre du type PIB qui devrait s'appuyer sur des études déjà faites sous les sigles BC et EE et détaillés par Nadine Gouzée.
« 1.1.1. Biocapacité La BC ou capacité biologique est définie par le Global Footprint Network comme ʺla capacité des écosystèmes de fournir des matières biologiques utiles et d’assimiler des déchets générés par les hommes en utilisant les modes de gestion et les technologies d’extraction existantesʺ Cette capacité peut être mesurée par les surfaces de terres et d’eau qui ont la capacité de fournir des matières biologiques, aussi appelées ressources ou ressources renouvelables par le Global Footprint Network.
1.1.2. Empreinte écologique Le Global Footprint Network définit l’EE comme ʺla surface biologiquement productive de terre et d’eau dont un individu, une population humaine ou une activité a besoin pour produire les ressources qu’elle consomme et absorber les déchets qu’elle génère en utilisant les technologies et les pratiques de gestion des ressources existantesʺ. L’EE est calculée en convertissant les consommations de certaines ressources et les productions de certains déchets en surfaces biologiquement productives. ».
Natalité
La natalité constitue aussi un paramètre majeur de la protection de la planète.
Alors que la planète étouffe de la présence humaine, des économistes préconisent la hausse de la natalité. Nos penseurs,intégrés dans leur montage économique, considèrent que pour pouvoir payer les pensions des retraités il faut qu’un nombre de cotisants puisse être ponctionné pour générer une masse à répartir parmi les retraités, Cette masse, ce « bienfait » est généré par ce qu'on appelle le travail (job job job). Partant de cette idée bien assise dans les dérives de ce système il est donc acquis qu'une démographie importante est la vertu économique suprême.
De l'autre côté de la Méditerranée on assiste à une autre forme d’absurdité. Tout d’abord, là-bas, le nombre d'enfants est un indice de pouvoir, d'importance. D'autre part si le chef de famille devenu vieux a généré aujourd'hui un nombre d'enfants important, il n’aura pas de souci pour sa vieillesse, ceux-ci pourront subvenir à ses besoins selon la coutume. Cela devient l'assurance vieillesse et comme la mortalité infantile a disparu en Afrique, la démographie explose.
Faut-il des guerres, des épidémies pour freiner cette démographie galopante ? Si un homme est né, il a droit à toutes les protections, autrement la régulation de la natalité s’impose.
Perspective
Comment convaincre de sortir de l’ancien modèle, éveiller les consciences et motiver. Par la méthode chinoise ou par la persuasion, celle que peut donner l’éducation, la stimulation, le service civique ou la mise à l’honneur d’exemples, comme celui de Beltram.
Mais un barrage presque insurmontable se dresse, celui des structures existantes, des avantages acquis. Les avancées majeures se sont presque toutes achevées grâce à la révolution.
A moins que cette fois ?