Economie Politique
Faut-il mettre en doute les théories de base d’Adam Smith et autres économistes comme le dogme de la « main invisible », base du libéralisme. Adam Smith prétend que la masse des producteurs et consommateurs engendre un système économique qui est préférable au régime dirigé, le problème étant trop complexe pour qu’un gouvernant, aussi doué soit-il, puisse prévoir une quelconque stratégie pertinente.
Quant à Smith, il n’a jamais démontré le mécanisme de la « main invisible » (le marché qui allouerait spontanément production et consommation mieux que tout système prépensé), ce dernier constituant en réalité, comme l’a mis en évidence l’historien Jean-Claude Perrot, une aporie religieuse dans une tentative de construction d’un discours scientifique
La concurrence est simplement l’instrument d’une révolution permanente des activités, ce que l’on appelle la « destruction créatrice ». Joseph Schumpeter (1883-1950), l’auteur ayant le plus contribué à cette théorie, affiche les mêmes ambitions que les penseurs du XVIIIe siècle. Il s’agit bien de dépolitiser l’économie, de prétendre substituer des « lois » immanentes à l’action consciente et concertée des individus.
Ce dernier aspect est crucial au point de vue social. La destruction créatrice rend obsolète en très peu de temps les infrastructures et remet en cause l’emploi et la base des entreprises obligées à se renouveler constamment.
Une autre face de l’évolution des prix nous amène à constater que certains paramètres sont faussés par le contexte international et l’ignorance de l’aspect écologique.
Prenons l’exemple du transport : Si un produit est importé d’un pays lointain, il engendre des coûts de transport importants. Ces coûts sont largement sous-estimés : selon Serge Latouche ils devraient être multipliés par 20, notamment à cause de la détérioration écologique et de l’épuisement des ressources pétrolières. Donc la pondération du coût de revient d'un produit transporté devrait être revue.
D’un point de vue local, on constate aussi en Belgique que le transit des « poids lourds » n’est pas pénalisé par un péage autoroutier. Or le choix des moyens de transport actuels est contestable. Le ferroutage largement utilisé en France et en Suisse est négligé. Les conditions de réussite tiennent notamment à établir des conditions techniques appropriées (avoir l’équipement de transbordement ad hoc, des liaisons ferroviaires internationales rapides) et des charges financières différentielles. De même le flux des déplacements individuels est énorme, et injustifié si le télétravail pouvait y suppléer.
Autre exemple touchant cette fois les politiques sociales et le dumping de pays étrangers, évoqué par Jacques Sapir
dans la formation des coûts, nous savons très bien qu’il y a les niveaux de salaires, les niveaux de protection sociale,
car la protection sociale coûte quelque chose, et les réglementations écologiques, qui elles aussi ajoutent quelque chose au coût. Le problème qui se pose est le suivant: admettons deux pays qui ont des niveaux de productivité et d’efficacité économiques à peu près similaires ; dans un pays, on décide d’appliquer des normes écologiques relativement strictes et des normes sociales avantageuses, et pas dans l’autre pays. Et ces deux pays sont unis par un traité de libre-échange. Que se passe-t-il ? Les produits qui viennent du pays qui s’est imposé des contraintes sociales et écologiques plus importantes vont perdre leur compétitivité par rapport à l’autre pays. Et si les consommateurs obéissent à la logique coût/qualité ( ce qui est tout à fait normal, et en tant que consommateur je réagirais aussi de cette manière-là ), alors les consommateurs vont en quelques sorte dénoncer la décision politique qui aura été prise, parce qu’en choisissant massivement d’acheter les produits venant du pays qui n’a pas adopté ces réglementations, ils rendent ces réglementations intenables dans le pays qui les a adoptées, soit sous la forme de faillites d’entreprises, soit sous la forme de délocalisations.
La globalisation et les économies émergentes expliquent le phénomène. Si la tâche leur a été aussi facile, c’est que ces pays émergents avaient l’avantage de ne pas avoir le poids de nos politiques sociales et nos préoccupations écologiques. Il faut mettre au point un autre système que celui de l’OMC. Basé sur des taxes sur les échanges commerciaux avec les pays qui n’ont pas mis en place certains standards sociaux et écologiques. Ces taxes pourraient être prélevées puis reversées au moment où les pays auraient atteint ces critères.
Ces conditions dissonantes existent aussi à l’intérieur de l’UE puisque chaque état garde la liberté de gérer son droit social.
Pour sortir de cet imbroglio et reprendre une liberté et un pouvoir d’action national, Jacques Sapir et de plus en plus d’autres, comme Nicolas Dupont-Aignan, vont beaucoup plus loin et jusqu’à suggérer la sortie de l’euro (voire de l’UE) trop pénalisant pour une gestion économique cohérente. Idée relayée aujourd’hui même par un gestionnaire du fonds PIMCO.
L’autre aspect de la réforme de la concurrence consiste à viser un autre type de croissance. Alors que Latouche met en évidence la limite des possibilités de croissance (notion actuelle), il faut bien rechercher comment imaginer de nouvelles normes, de trouver qui va assurer cette pondération, cette recherche d’un autre standard et comment le généraliser.
Certains comme Michel Volle imaginent une croissance qualitative ( il décrit l’historique du concept de croissance et de mécanisation ) plutôt qu’une croissance en volume base actuelle du PIB.
Embarqué sur cette voie, on arrive à considérer que le PIB n’est plus l’essentiel. Sauvegarder la planète signifie pondérer différemment activité et produits polluants et non renouvelables. Or aujourd’hui le PIB est une sorte d’évangile décrit par le Bureau du Plan.
Le système de 'comptabilité nationale' officiel, sur lequel repose entièrement le calcul du
produit intérieur brut (PIB), est né de la grande crise de 1929 dans un contexte de croissance de
la taille des populations et des économies
Une étude intéressante est menée par le Bureau du Plan personnalisé par Nadine Gouzet qui étudie l’introduction dans les comptes nationaux de notions comme EE BC (empreinte écologique et biocapacité) intégrés dans le PIB actuel.
La mise en œuvre d’un programme national qui tienne compte à la fois de ces objectifs écologiques et des positions étrangères doit être menée par le pouvoir politique.
Quelles sont les conditions de réussite ? La solution la plus radicale, celle préconisée par Jacques Sapir et Nicolas Dupont-Aignan est extrême. Néanmoins, il faut se fixer des mesures concrètes. De nouveau Jacques Sapir imagine un certain protectionnisme qui pourrait se faire au niveau d’un pays, d’un groupe homogène ou de l’UE. Une autre solution pourrait à mon avis être trouvée dans la TVA sociale dont la hausse de taux actuel frapperait aussi les produits importés tout en allégeant la charge patronale sur la production, rendant ainsi les entreprises locales plus compétitives.
Affaire à suivre